Jeux et poker sur Internet : Les futurs acteurs se préparent

Une fois ouvert à la concurrence, le marché des jeux d'argent en ligne devrait atteindre 10 milliards d'euros. Dix fois plus qu'actuellement.
Cela est désormais inéluctable. «Tous les grands groupes européens, et
donc français, se préparent à l'ouverture du marché hexagonal des jeux
d'argent en ligne, explique Thibaut Verbiest, avocat spécialisé dans ce
domaine. Signe des temps, des fonds de capitaux à risques sont en train
de se créer en France avec un focus sur les jeux.» Des créations ou des
acquisitions d'acteurs existants sont donc à attendre.

Les plus puissants, comme TF1, Vivendi, Canal+ ou Orange, sont dans les
starting-blocks, d'autres, plus modestes, guettent. Ainsi Stéphane Courbit, qui a fait fortune avec la vente de la société de production Endemol France, a constitué la société d'investissement Manga Capital Gaming.
Elle a pour vocation d'investir dans des sociétés de jeux en ligne
existantes et de les développer. L'homme d'affaires est en train de
racheter Betclick. Selon nos informations, pour 35 millions d'euros.
Dirigée par un Français, elle est basée à Londres, où la législation
autorise les paris sur Internet. Elle dispose de plusieurs licences
d'exploitation pour opérer sur la Toile. Son objectif est de créer un
grand groupe français à vocation européenne dans les paris sportifs en
ligne et les jeux de casino.
Un maximum de visibilité


D'autres intervenants plus connus du grand public, comme Bwin,
Unibet ou Sportgaming, sont aussi en embuscade pour s'at­taquer au
marché français. L'enjeu est de taille. Bien qu'en partie illégal, le
marché actuel des jeux d'argent sur Internet s'élève à un milliard
d'euros. «Une fois ouvert, il devrait atteindre, selon les différentes
études, près de 10 milliards d'euros», poursuit Thibaut Verbiest.
Ces sommes expliquent pourquoi les groupes français, à qui la loi
actuelle restreint ou interdit l'accès à Internet les casinos sont dans
ce cas , s'organisent. «Cela fait 18 mois que nous travaillons à
travers une société dédiée, MKO Games, sur une offre de jeux en ligne
complète à partir d'une plate-forme technologique propriétaire très
innovante, explique Dominique Desseigne, président des casinos Lucien-Barrière.
Nous avons obtenu une licence à Malte, et serons en mesure, avant
l'été, d'exploiter un site payant en Grande-Bretagne et gratuit en
Fran­ce.»
Même stratégie pour le coleader hexagonal, Partouche. «Dès
mai prochain, nous serons en mesure d'offrir une offre complète de jeux
en ligne depuis notre plate-forme de Gibraltar, où nous avons obtenu
une licence», indique Frédéric Vinzia, président de Partouche
Interactive. Car les casinotiers ne peuvent attendre encore deux ou
trois ans, le temps que le gouvernement français, après une phase
d'expérimentation, publie une loi autorisant en France les jeux
d'argent en ligne. Le poker sur la Toile ou dans les casinos connaît un
essor sans précédent surtout depuis qu'il est relayé par des émissions
télévisées à succès. Et on voit mal comment l'État pourrait interdire
totalement à des internautes de pratiquer leur jeu de cartes favori.
Bien qu'illégales, les mises du poker sur la Toile at­teignent déjà 350 millions d'euros.
En attendant que les règles soient fixées, les sites en ligne
souhaitent que l'État les autorise à exploiter des licences pour une
période limitée. Ils proposent aussi d'alimenter un fonds d'aide au
sport.
C'est un point primordial pour les sociétés de paris en ligne. Elles
vivent du sport, mais elles sont de plus en plus impliquées dans son
financement via des accords de sponsoring. Partout en Europe, et dans à
peu près toutes les disciplines, elles investissent afin d'acquérir le
maximum de visibilité. C'est Bwin qui signe pour l'instant l'entrée la
plus fracassante. Il privilégie le football et les plus grands clubs
européens. Il est le sponsor maillot de l'AC Milan (champion d'Europe
2007) et du Real Madrid (sacré meilleur club de football du XXe
siècle). Selon les calculs de Sport+ Market, qui réalise chaque année
une étude sur le prix des maillots dans le monde, Bwin débourse plus de
15 millions d'euros par an avec le club madrilène et plus de 12
millions pour figurer sur les tuniques de l'équipe de Silvio Berlusconi.
Avec ces montants, le site autrichien figure aux 3e et 5e rangs des
plus gros investisseurs sur les maillots de foot en Europe. Les autres
sites de paris développent à une moindre échelle l'investissement dans
le sponsoring et le marketing sportifs. Mais on n'en est pas encore là
dans l'Hexagone où ces sociétés sont illégales. L'heure est à la
négociation pour les autoriser. «Le dialogue entre l'État français et
la Commission de Bruxelles se poursuit», se contente d'expliquer un
responsable de Bercy.
source : Le Figaro

Auteurs: Éric de La Chesnais et Christine Lagoutte