L’autrichien, deuxième opérateur européen, est à l’origine du revirement français.
C’est un très noble bâtiment et pour cause : il s’agit de l’ancienne Bourse de Vienne, la capitale autrichienne. Un siège social luxueux, une vitrine high-tech étrangement silencieuse que l’on verrait plutôt abriter une fondation d’art contemporain ou le showroom d’un centre de design. Wilkommen chez Bwin, poids lourd européen des paris en ligne et grand pourfendeur, avec quelques autres nouveaux opérateurs de la Toile, du monopole français sur les jeux d’argent.
En ces temps d’âpres et très compliqués débats sur l’ouverture à la concurrence d’un secteur qu’une récente étude estime à 100 milliards d’euros - de mises - à l’horizon 2015, ce super-généraliste du jeu en ligne ne se contente plus de mener à Bruxelles un intense lobbying confié à l’EGBA (l’European Gaming and Betting Association), le bras armé qu’elle a créé avec sept autres opérateurs il y a un an. Bwin ouvre ses portes de respectable multinationale «de divertissement high-tech» comme elle se présente, cotée en Bourse, auditée dans les règles de l’art et dont la seule particularité serait, dixit son président Manfred Bodner, «d’opérer sur un des derniers marchés monopolistiques d’Europe».
Brèche. Si le jeu en ligne est «une activité économique comme une autre qui, comme les autres, doit être encadrée», comme le dit le créateur (poursuivi par la justice française pour «prise de paris illicite») de cette start-up devenue en onze ans une PME rutilante de près de 1300 employés et un des rares fleurons de l’Internet venu de la Mitteleuropa, force est de constater que l’organisation de Bwin (pour «bet and win», pariez et gagnez), procède d’un montage peu courant. Législation européenne et souplesse Internet obligent, la société est éclatée sur trois pays: le siège et les technologies en Autriche, le poker et les jeux de casino en Suède, les paris sportifs et le bookmaking à Gibraltar, où Bwin détient une des 19 précieuses et très lucratives licences délivrées par ce micro-Etat. Une organisation motivée par des raisons fiscales qui permet à Bwin de n’être imposé qu’à Gibraltar et en Autriche, son pays d’origine.
Dans sa quête de légalisation paneuropéenne, Bwin a cependant ouvert une brèche en obtenant une autre licence, très encadrée, en Italie, le pays du calcio. Elle lui permet, en attendant mieux, de proposer un nombre limité de paris sportifs sur son «.it» avec un prélèvement fiscal sur les mises qui, selon Bwin, a permis au sport transalpin de doubler son financement via la taxation du jeu : 450 millions de recettes annuelles en 2006-2007 contre seulement 194 millions d’euros reversés au sport amateur en France par la Française des jeux.
Cette nouvelle source de financement pour des sports même très mineurs comme le hockey sur gazon ou l’aviron, est, selon Bwin, une opportunité que la France aurait tort de négliger. Elle prend la forme de paiement de droits Internet pour des retransmissions en ligne de compétitions ou de sponsoring (la marque est présente sur les maillots du Real Madrid et du Milan AC et a investi 200 millions d’euros en marketing et publicité en 2007). Mais pas question pour autant de payer directement des royalties à des organisateurs d’événements au titre d’un «abusif» droit des marques comme par exemple le tournoi de Roland-Garros qui a assigné le site en justice pour «parasitisme commercial».
Modération. L’autre leitmotiv de Bwin et consorts, c’est que leur officialisation serait le meilleur moyen d’assécher le marché noir des paris clandestins et du blanchiment d’argent. «La légalisation d’acteurs responsables, avec des offres suffisamment attractives c’est-à-dire larges et raisonnablement taxées par l’Etat est la meilleure arme pour lutter contre la criminalité», explique Antonio Costanzo, porte-parole de Bwin, qui évoque une baisse régulière des paris clandestins en Italie.
Avec une mise moyenne de 8 euros et une perte médiane de 4 euros par mois pour les 1,4 million de joueurs qui jouent au millier de paris proposés quotidiennement par Bwin, le site n’hésite pas à se présenter comme un modèle de modération. «Jouer peu, gagner peu et perdre peu», est la règle d’or, ce qui n’empêche pas de distribuer des bonus pour attirer les nouveaux joueurs et de récompenser les plus fidèles. Autrement dit, d’accord pour limiter les mises et encadrer les joueurs mais pas l’offre de paris (jusqu’à 90 paris en direct conclus à la seconde), principal gage d’attractivité du site. Une abondance qui d’après l’EGBA ne bouleversera pas, du moins à moyen terme, l’équilibre du secteur. La part de marché du jeu en ligne dans les jeux d’argent, estime-t-elle, ne dépassera pas 5 % et reste limité à 6 % en Grande-Bretagne où les paris en ligne sont légalisés.
Prohibition. Cette belle mécanique n’en reste pas moins un modèle économique aléatoire, extrêmement sensible à la moindre variation de législation. «Le stress réglementaire», comme on l’appelle chez Bwin. La fermeture du marché américain pour cause de prohibition en 2006 puis celle du marché turc et le volte-face récent de l’Allemagne, qui après avoir entrouvert son marché a décidé de le refermer, ont ainsi fortement contrarié la croissance de l’opérateur autrichien. Prévu autour de 350 millions en 2007-2008, son chiffre d’affaires sera inférieur à celui de 2006 (381 millions d’euros). La société devrait cependant renouer avec un léger bénéfice. Pour s’ouvrir de nouvelles perspectives, Bwin a bien tenté en 2007 de pénétrer le très opaque et clandestin marché chinois. Sans résultats pour l’instant. D’où l’importance de s’ouvrir, avec l’aide de la Commission, les portes du marché français, prometteur car sous-développé, et de pouvoir enfin y dérouler son rouleau compresseur de «pure player» Internet rompu aux techniques du marketing en ligne. Pour Bwin, l’enfer, ce n’est pas les autres et la concurrence, c’est la loi.
source libération
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Si tu choisis l'incinération, sache que ce sera ta dernière cuite, Tandis qu'enterré, tu auras toujours une chance d'avoir un petit ver dans le nez.